2018 – Le théâtre de la mémoire
L’enfance d’Erwan Venn est la source d’un traumatisme qui nourrit son inspiration artistique. Ce trauma, dévoilé lorsque l’artiste découvre de vieux cartons contenant des photographies de famille servant les indices d’un grand-père collabo pendant la Seconde Guerre Mondiale, forme la clé de voûte de son art : une purge de ce passé sombre, une tentative d’effacer par l’art ces souvenirs familiaux nocifs et tabous.
Dans une démarche radicale et violente, l’artiste décide, par le biais de la retouche numérique, de supprimer les visages de ces photographies : la série Headless est née. Connue comme un véritable théâtre de la mémoire, l’œuvre dramatise le souvenir et désamorce cette mémoire néfaste en une multitude d’intrigantes scénographies : les personnages ne sont plus que des enveloppes vides sur papier argentique, des formes improbables flottant dans les airs tels des pantins sans âme, des souvenirs flous de l’événement dont la photographie conserve la trace. Ce refus de la mémoire
par l’effacement des visages met en lumière par la même occasion le silence et l’ignorance dont a décidé de faire preuve la famille d’Erwan Venn.
Par ce travail de réminiscence, l’artiste offre plus généralement une vision rétrospective sur notre histoire. Les vestiges du conflit lié à la deuxième guerre mondiale se retrouvent aussi bien dans les photographies manipulées que dans les récents dessins de la série Blockhaus ou Petits
bretons exposés à RezDeChaussée. Ces dessins représentant les ruines d’une guerre ou les visages de la collaboration resteront en retour gravés dans nos esprits, faisant de la mémoire individuelle de l’artiste notre mémoire collective. Cette exposition est le fruit d’un partenariat entre l’artiste Erwan Venn, RezDeChaussée, lieu d’intention artistique et les étudiants d’hypokhâgne histoire de l’art du lycée Montaigne, commissaires de la Vitrine des essais.