2021 – Dark Âge
Exposition de Céramiques du duo SEGONDURANTE
Du 10 septembre au 9 octobre février 2021
Vitrine des Essais – Lycée Montaigne
Extrait du texte Pop Apocalyptic de Emmanuelle Luciani
Le duo d’artistes livre depuis 2019 une oeuvre céramique expressive et figurative. Ces oeuvres abruptes, intimidantes, tout en contrastes, entrent en confrontation avec le classicisme épuré du white cube et la sobriété triviale d’un présent permanent, et incarnent au contraire un autre rapport au temps. Ces émaux bouillonnants et rougeoyants, jetés sur des épées, des bottes ou des plantes, sont un suintement magmatique qui réunifie, côte-à-côte, des objets et des formes historiques isolés et extraits de leur époque. Ces formes mortes ou oniriques, hérissées de flammes et touchant à l’apocalyptique sont ainsi à la fois les témoins carbonisés de formes disparues et les avatars inquiétants d’un futur chaotique, faisant écho à la sensibilité fin de cycle de la fin du xviiie siècle et du xixe siècle, qui se cristallise dans des représentations populaires qui deviennent des thèmes de prédilection, des ruines d’Hubert Robert aux tableaux mettant en scène des catastrophes, comme les éruptions du Vésuve (Pierre-Jacques Volaire, L’Éruption du Vésuve depuis l’Atrio del Cavallo, c. 1771).
Segondurante illustre à travers leurs objets les motifs récurrents de récits modernes autour de futurs apocalyptiques et de mondes imaginaires. Leurs oeuvres excessives, libres, comme en fusion (voir ses épées nimbées de flammes, les plantes carbonisées et mutantes ou les reliefs rougeoyants peuplés de fossiles) sont comme les débris survivants du passage d’une météorite. Elles ne sont pas sans rappeler l’énergie vertigineuse qui se dégage des toiles de John Martin, et notamment de son Pandemonium, peint en 1841.
Les épées de Segondurante, une série d’oeuvres intitulée Eternal Doom, qu’elles soient démoniaques ou au contraire tueuses de dragon, forment des oeuvres enflammées et étranges faisant écho tant aux mythes antiques et médiévaux qu’à la dark fantasy, au récit d’anticipation ou au jeu-vidéo, puisant leurs forces notamment dans le futurisme gothique et vertigineux du jeu de plateau Warhammer 40 000. Les bottes de céramique (Hot heels bahamut) sont des hommages tant à l’artiste Sylvie Fleury et à ses oeuvres talons-aiguilles qu’aux femmes guerrières en talons hauts qui émaillent de nombreux récits d’heroic-fantasy.
C’est en fait principalement sous ce prisme de l’objet transformé qu’ils se raccrochent au temps ; plus que le recours aux drapés antiques ou aux glaives, c’est l’utilisation qui en est faite dans un récit plastique contemporain, à l’image de la littérature fantasy qui elle aussi s’appuie sur des mythes pluriséculaires, qui leur permet à la fois de regarder le passé et l’avenir et de s’asseoir à la table de l’histoire.